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Évaluation : Mikrograph de TAG Heuer

Au début des années 1900, le fabricant de chronomètres de course Heuer décide de lancer une petite révolution. Si les montres étaient jusqu'alors capables de mesurer jusqu'à 1/8e de seconde et, dans de rares cas, 1/10e de seconde, Heuer voit l'opportunité de porter ce chiffre à 1/100e de seconde, pour une précision dix fois supérieure. Le Mikrograph de 1916 qui naît de cette idée garantit au fabricant des responsabilités prestigieuses en matière de chronométrage, telles que l'Indianapolis 500 et la Formule 1. Mais il a fallu à l'horloger près d'un siècle pour être en mesure de le recréer. Pourquoi ?

La physique est le principal obstacle empêchant une montre de franchir la barrière des 1/100e de seconde. Pour vous et moi, la trotteuse d'une montre mécanique semble être en mouvement permanent, contrairement à celle d'un modèle à quartz qui fonctionne par intervalles d'une seconde. Mais la réalité est tout autre. En effet, elle fonctionne exactement comme l'aiguille des secondes d'une montre à quartz, faisant tic-tac d'un point à un autre. La seule différence réside dans le fait qu'il y a huit à dix fois plus de petits intervalles.

Plutôt qu’un moteur, une montre mécanique possède un mécanisme de verrouillage à ressort qui libère l'énergie régulièrement au fil du temps. Appelé échappement, celui-ci est le cœur même de la précision d'un calibre mécanique. Comment les pauses entre chaque coup sont-elles calculées ? En absorbant une partie de l'énergie du ressort principal dans un ressort plus petit, que l’on nomme le spiral.

Imaginez un pendule que vous pouvez pousser librement. Si vous lui imprimez un mouvement, il mettra un temps précis à s'éloigner, à changer de direction et à revenir. En exerçant la même pression à chaque fois, vous parviendrez à maintenir un rythme régulier et les oscillations seront régulées. Un balancier se comporte exactement de la même manière, chaque oscillation durant environ 1/10e de seconde.

Que diriez-vous donc d'une montre capable de faire tic-tac cent fois par seconde ? Un simple calcul vous indiquera que les battements doivent être dix fois plus rapides. Pour en revenir au pendule, l'intuition vous dit également que celui-ci doit être bien plus petit pour effectuer un aller-retour plus rapide avec la même quantité d'énergie. C'est exactement ce qu'a fait TAG Heuer en 1916, créant un chronomètre avec un minuscule balancier et donnant ainsi naissance au Mikrograph et son 1/100e de seconde.

Voilà le problème qui se cache derrière sa recréation : si une montre à quartz ne fait qu'un tic-tac par seconde, c'est pour économiser de l'énergie. Les premiers modèles à quartz ont tenté d'imiter le mouvement des montres mécaniques, mais la durée des piles était très courte. La possibilité de remonter régulièrement un ressort moteur, automatiquement ou manuellement, signifie que l'efficacité est moins problématique et permet un battement plus rapide et précis.

Si vous divisez une réserve de marche de 2 jours par 10 pour votre montre au 1/100e de seconde, votre montre est inutilisable. Cela conviendrait parfaitement à un chronomètre, comme le Mikrograph original, qui n'est pas appelé à fonctionner plus de quelques heures d'affilée. Mais ce n’est tout simplement pas pratique pour une montre-bracelet.

TAG Heuer y a donc réfléchi, encore et encore. La marque s’est penchée sur cette énigme quatre petites années avant le début du siècle, essayant de comprendre comment une montre pouvait faire tic-tac 100 fois par seconde tout en restant utilisable au quotidien. Il devait bien y avoir une réponse, un moyen de conjuguer la fonctionnalité et l'aspect pratique des deux en un seul mouvement. Il s'est avéré qu'il n'y avait pas de réponse – ou du moins, pas la réponse que l'on attendait.

Ce n'est qu'en 2011 que TAG Heuer a percé le mystère, et que le nom de Mikrograph a enfin refait surface. Cette montre a non seulement la capacité de mesurer le temps au 1/100e de seconde, mais elle dispose également d'une réserve de marche de 42 heures.

Le chemin a été semé d'embûches. Présenté en 2005, le concept Calibre 360 concrétisait l'idée mais sans être prêt à faire face aux exigences du quotidien. La montre était délicate et peu fiable. Le mouvement était un fatras de pièces détachées, un prototype qui coûtait à la marque un temps précieux et beaucoup d'argent – presque en vain. Quinze de ces pièces conceptuelles ont été vendues à un prix considérable à des collectionneurs avisés désireux de faire partie de cette épopée, tout en sachant que ses performances étaient limitées.

Mais quatre années supplémentaires de recherche et de développement ont finalement porté leurs fruits : dans un boîtier en or de 43 mm, avec un cadran crème et brun, l'édition limitée – à 150 pièces, quantité plus raisonnable – de la Mikrograph était mise en circulation. Sans réserve, cette fois : le mouvement est une création originale de TAG Heuer, capable d'exécuter son tour de force à l'infini et sans limite.

La solution ? Si la physique a écarté l'idée d'accroître l'efficacité (après tout, cela n’était pas envisageable), TAG Heuer pouvait tricher. La marque était tout à fait capable de concevoir un mouvement avec un battement normal et à la durée normale, mais aussi un battement plus rapide qui ne durait que très peu. Il ne restait ensuite plus qu’à les coller l'un à l'autre.

Si cette idée n’était pas loin de la vérité pour le calibre conceptuel, la marque a dû y songer un peu plus pour le modèle final. On y trouve deux échappements, un grand et un petit, et deux ressorts principaux, l'un avec une réserve de marche de 42 heures pour le chronométrage, l'autre avec une réserve de marche de 90 minutes pour le chronographe. mais la montre doit également fonctionner comme s'il s'agissait d'un seul et même mécanisme. Deux mouvements pour une seule montre. Le rotor automatique permet de remonter l'heure, la couronne de remonter le chronographe. La montre possède même un indicateur de réserve de marche pour le chronographe à 12 heures, bien qu'il soit affiché en pourcentage, phénomène plutôt déroutant compte tenu de la réserve de marche de 90 minutes.

Cela a abouti à une trotteuse bleue de chronographe qui fait le tour du cadran une fois par seconde. Elle est si rapide qu'il faut un sous-cadran à six heures pour indiquer les secondes. Les minutes du chronographe sont affichées à trois heures, les secondes à neuf heures. Bien entendu, il n'est pas nécessaire de suivre les heures, car je pense que la plupart des opérateurs sont capables de compter jusqu'à un. Le poussoir de démarrage/arrêt est même doté d'une vis de blocage pour éviter que vous ne remontiez vos 90 minutes par accident.

Mais ce tour de force ne s'arrête pas là. En effet, retournez la montre et le calibre de la Mikrograph vous réserve une autre surprise : le double affichage des balanciers qui rendent possibles les capacités de la montre. L'un indique 28 800 battements par heure – soit huit par seconde – et l'autre, celui qui a fait couler beaucoup d'encre, permet d'atteindre le 1/100e de seconde en battant 360 000 fois par heure.

Vous pensez que cela vous dit quelque chose ? C'est probablement le cas. Cette technologie a été repensée par la marque sœur Zenith pour la Defy El Primero 21 six ans plus tard, en 2017. Mais TAG Heuer n’a aucun souci à se faire. Loin de là, d’ailleurs, car le 1/100e de seconde n’était qu’un début. Prenez la Mikrogirder, par exemple. Que diriez-vous de 5/10 000e de seconde ?

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